Cette fiche présente brièvement l'approche de Bruno Humbeek sur les espaces de parole régulés en parallèle de la gestion des conflits proposée par l'école citoyenne
Pour gérer les tensions mutuelles dans un cercle et dans un groupe, il existe un débat entre deux positions. La première est celle des « espaces de parole régulés » tels que proposés par Bruno Humbeek. Les grandes règles à la base des espaces de parole régulés sont les suivantes[1] :
1. Les émotions ne se discutent pas : elles se vivent et se disent
Celui qui parle ne peut être contredit, il est libre d’exprimer ses émotions.
2. C’est l’adulte qui donne la parole en garantissant à l’enfant qu’ilpourra parler jusqu’au bout de ce qu’il a à dire sans risquer d’être interrompu.
Celui qui parle ne peut être interrompu. Pour cela, l’adulte donne à l’enfant qui parle un «bâton de parole»qui signifie qu’il est le seul à prendre la parole.
3. On ne nomme pas, on ne désigne pas et on n’accuse pas.
Celui qui parle ne peut désigner personne d’autre que lui-même à travers ce qu’il dit. (On ne prénomme pas, on ne désigne pas directement par le nom ou indirectement par une description trop précise, on commence chaque phrase par "je" ou par le "on"indéfini/ ex : "Je suis triste parce qu’on se moque de moi").
4. L’enseignant fait appel aux ressources du groupe pour trouver une solution
L’enseignant demande au groupe «Que peut-on faire pour que X ne soit plus triste ou en colère ? ». Ainsi, c’est le groupe qui tente d’apporter une solution et non l’enseignant, seul, en imposant une manière d’agir, un comportement ou une attitude.
5. L’enseignant assure la permanence et la récurrence de l’espace deparole.
L’enseignant programme les prochaines séances et y vérifie comment l’émotion négative vécue par l’enfant a évolué suite aux propositions faites par le groupe classe.
Dans cette optique, la limite à la liberté d’expression est donc que, excepté soi-même, «on ne nomme pas les personnes». Il s’agit dès lors d’expliquer les soucis de manière désindividualisée et de leur chercher des résolutions sous forme de principes et de stratégies à mettre en place. Cette manière de procéder permet d’éviter que la discussion ne tourne au jugement collectif. Elle permet même qu’un éventuel «agresseur» participe aux propositions visant à réagir à ses propres agressions. Pour cela, il faut noter que l’animateur à un rôle crucial de vigilance, de reformulation et d’invitations afin que cette règle devienne une habitude pour tous.
La seconde« école » préfère au contraire éviter les « non dits » et nommer les choses. L’idée est alors de parler directement des personnes concernées et d’apprendre aux participants à le faire de manière non jugeante, la plus proche des faits, en distinguant de nouveau bien les émotions. Dans cette seconde vision, il est fondamental que, avant le cercle, les problèmes aient reçu la possibilité d’un traitement interindividuel. Il est fondamental que le groupe puisse profiter de cet autre espace de résolution qu’est la médiation interpersonnelle. Si d’aventure un problème interpersonnel arrive dans l’espace du cercle, il s’agit ici de ne pas forcément l’y traiter. S’il semble possible de le faire dans le contexte émotionnel en présence, pourquoi pas. Mais il se peut au contraire que la meilleure option soit de prendre un moment de discussion avec les seuls protagonistes du conflit, afin que le groupe ne serve pas d’arbitre ou de jury. Il arrive que les émotions entre certains participants soient telles que le cercle doive carrément s’arrêter pour que cette médiation ait lieu. Il arrive également que certains participants sortent du cercle pour mener ce temps de parole sur le champ.
Quelle que soit l’école (ou la stratégie) choisie, tout l’enjeu est de trouver des solutions« win-win », d’accompagner les participants dans la recherche de réparations ou de résolutions aux problèmes posés (voir à ce sujet la partie« justice réparatrice » des écoles citoyenne). Par ailleurs, il faut noter les espaces de parole régulés proposés par Bruno Humbeek n’excluent pas de mettre en place également des médiations interindividuelles. Même lorsque la discussion collective n’a pas nommé les protagonistes d’un problème, il peut être bon de les repérer et de susciter une rencontre afin qu’il « réparent »leur situation.
[1] Plus d’infos sur le lien suivant : https://www.sciencesdelafamille.be/pr%C3%A9vention-et-prise-en-charge-du-harc%C3%A8lement-du-cyber-harc%C3%A8lement-et-des-discriminations-en-milieu-scolaire/2-les-espaces-de-parole-r%C3%A9gul%C3%A9s/