Travailler le cadre et les règles est le premier axe du projet de l'école citoyenne. C'est aussi une excellente base pour prévenir les dynamiques de harcèlement.
Les relations de harcèlement s'appuient sur une logique fondamentalement tribale dans le sens où la manière de prendre sa place dans un groupe revient à y faire démonstration de force et à y rabaisser d'autres. Il est intéressant de constater que, dans sa relation aux règles, l'école a un problème en partie similaire. Dans beaucoup d'établissements en effet, le règlement n'est pas très bien construit, est peu utilisé et, dans la vie quotidienne, chaque adulte place d'une certaine manière son cadre et ses règles. Pour les élèves, passer d'un adulte à l'autre revient dès lors à passer d'un cadre à l'autre, d'un chef à l'autre. La conséquence de cette situation est que l'école se présente comme un espace fort hiérarchisé. Pour les élèves, le message implicite est que l'important est d'être le plus fort, et pas de "faire groupe" de manière plus horizontale.
Travailler le cadre et les règles avec les enseignants et les élèves est donc une étape nécessaire de la lutte contre le harcèlement. Cela permet de sortir de cette sorte de "féodalité" scolaire dans le sens du découpement des règles selon les espaces-temps contrôlés par les professionnels qui sont autant de chefs. Attention! Dans cette perspective, construire des règles communes est une condition nécessaire mais pas suffisante. Dans la foulée, il est également incontournable d'accompagner les équipes afin qu'elles apprennent à se servir de ce cadre au quotidien. Pour plus d'informations sur cette stratégie, clique ici.
Dans certaines écoles, la stratégie va plus loin. En plus de clarifier le cadre avec les adultes, il s'agit de construire les règles de respect avec les élèves. Par rapport à la prévention du harcèlement, cette stratégie a plusieurs impacts importants :
1) Offrir des espaces de parole sur la question du respect dans l'école : les miniforums. Cela permet à chaque élève d'être invité à s'exprimer sur le sujet. Cela génère de belles discussion et invite à l'empathie sur ces questions.
2) Chaque miniforum débouche sur des propositions concrètes qui offrent une sorte de panorama des problèmes rencontrés par les élèves et des solutions qu'ils proposent en termes de règles. Pour ajuster une stratégie de prévention et de gestion des violences, il n'y a pas mieux. Bien souvent, ces propositions comprennent des éléments intéressants pour évaluer les problématiques de harcèlement qui sont vécues.
3) Lors du miniforum, on montre dès le début de l'année que l'on peut débattre de violence entre élèves et adultes, sur un pied d'égalité. C'est une invitation puissante pour que, à ce moment-là comme dans la suite de l'année, les jeunes se sentent invités à partager leur problèmes à ce sujet, et notamment les situations de harcèlement.
4) Les miniforums sont une première démarche collaborative et citoyenne mise en place par les élèves et les professionnels ensemble. C'est un point de départ pour que les étudiants comprennent que c'est en équipe que l'année va se passer et que c'est en partenaires que l'école va se vivre.
5) le résultat des miniforums et de la synthèse de la Loi, c'est une affiche comprenant les règles de respect. Cette affiche montre que les violences sont interdites, et que ce sont les élèves aussi qui le demandent. Par rapport à la tentation du harcèlement, il y a là un message très clair : l'ensemble du collectif s'engage à fonctionner sans violences.
A travers la clarification des règles entre adultes ainsi que par le biais de la construction des règles avec les élèves, le principe est en fait de construire symboliquement le contrat social avec la communauté scolaire. Il s'agit de montrer que la demande de respect vient de tous et qu'elle appelle un engagement de tous pour renoncer aux violences et contribuer à un climat positif. En terme de lutte contre le harcèlement, c'est la meilleure base possible puisque, par cette démarche éducative, tous les élèves comprennent qu'il existe une alternative à la loi du plus fort : le fait de se mettre d'accord sur la recherche d'un climat sécurisé. En plus de cela, la démarche permet de lancer l'année en initiant la dynamique de collaboration et d'engagement propres à l'école citoyenne. Pour bien montrer l'importance de cet engagement, le projet de l'école citoyenne s'appuie en plus sur une affiche qui l'incarne ainsi que sur un fête qui le célèbre. C'est la fête de la loi : le moment rituel par lequel on installe les nouvelles règles, on montre leur importance et on célèbre l'engagement à les respecter.