Lorsque le cadre et les règles ont été travaillés, ils peuvent apparaître aux acteurs de l'école comme leur cadre de référence : aussi clair que prêt à être utilisé. L'enjeu est alors de mobiliser ce cadre dans la démarche de la justice réparatrice. C'est le second axe de l'école citoyenne. C'est aussi une démarche extrêmement curative en matière de harcèlement.
A l'école, la plupart des situations de violences sont vécues comme une "pierre" de plus dans le sac-à-dos déjà lourd des enseignants et éducateurs. Pour le harcèlement, cette sensation de lourdeur est souvent encore plus importante, tant les situations sont vécues comme lourdes, sans solutions et ajoutant un problème supplémentaire à un quotidien déjà trop compliqué. A l'inverse de ce mécanisme émotionnel régulier, il est important que les acteurs de l'école se rendent compte que les violences sont autant des problèmes que des opportunités. Lorsqu'une situation de harcèlement est découverte, c'est donc aussi l'occasion de faire un chemin éducatif avec ses protagonistes, de profiter du problème pour permettre aux jeunes de faire des apprentissages d'autant plus durables qu'ils seront concrets et en lien avec un vécu important.
Face à une situation de harcèlement, appliquer des sanctions traditionnelles a presque toujours un effet contreproductif. Les auteurs se retournent en effet vers leur cible en la désignant comme responsable et, soit ils reprennent de plus belle leurs agressions dans un élan de vengeance, soit ils se contentent de poursuivre son exclusion, mais de manière en apparence moins violente. Dans tous les cas, la victime comprend que la gestion de la situation a dégradé sa position. Bien trop souvent, elle se renferme encore plus dans le silence qui est pourtant un ingrédient majeur du cycle négatif, le tout contribuant à lui donner ce sentiment d'impuissance à en sortir.
En même temps, il n'est pas acceptable de ne rien faire face aux violences répétées qui peuvent être rapportée. Ne rien faire revient en effet à cautionner, ce qui est probablement encore pire que de mal réagir. C'est pour cette raison que les situations de harcèlement font partie des situations qui montrent toutes les limites de la justice traditionnelle à l'école. C'est pour cette raison que, ici encore plus que face à d'autres violences, la démarche réparatrice trouve tout son sens. Le second intérêt de la démarche réparatrice est en effet de viser à restaurer une relation saine entre les différents acteurs. Le but n'est pas seulement de marquer l'interdit, mais aussi de profiter de la réparation pour que la cible soit rétablie dans le groupe et que les auteurs y trouvent également une place, mais cette fois de manière saine et constructive. Si, suite à une situation de harcèlement, les auteurs proposent par exemple un jeu avec la victime et y participent avec elle, cela pourra contribuer à réparer la relation au départ problématique. Dans cette démarche réparatrice, il est important de comprendre que le but est de travailler prioritairement sur la relation. Plutôt que d'identifier des coupables à punir et des victimes à protéger, on accompagne les acteurs pour qu'ils sortent de cette relation et qu'ils trouvent un autre façon de fonctionner ensemble. Etant donné que, dans le processus de harcèlement, ce sont les auteurs qui sont la plupart du temps à la base du cycle, un des premiers enjeux est de leur faire comprendre qu'ils ont quelque chose à gagner dans la dynamique de réparation. Il faut leur faire prendre conscience que, en rentrant dans la démarche de réparation, non seulement ils pourront réparer les dégâts qu'ils ont causé, mais en plus cela leur permettra de trouver une place intéressante, le tout en étant fier d'eux.
Cette prise de conscience de la part des auteurs n'est pas forcément évidente. Dans un établissement, elle est d'autant plus accessible que s'est installée une "culture de la réparation". Elle sera d'autant plus aisée que les élèves expérimentent régulièrement les outils de réparation et leurs bienfaits.
La justice restauratrice a une condition importante : que les élèves en deviennent les partenaires, qu'ils finissent par comprendre et s'impliquer dans le processus de réparation. Lorsque, malgré les efforts de l'équipe, certains d'entre eux ne veulent pas de cette collaboration, la sanction traditionnelle devient incontournable. Pour les raisons évoquées plus haut, ce n'est pas une situation idéale. Afin qu'elle cause le moins de dommages possible, il est très important que la sanction soit donnée au nom des règles partagées, afin de bien montrer que ce n'est pas une prise de pouvoir des adultes, mais une manière de revenir aux règles du groupe. A ce niveau, il faut à nouveau pointer tout l'intérêt d'avoir construit les règles de respect avec les élèves (voir ici). Cela permet de bien montrer que c'est au nom de la demande des élèves que la sanction est donnée. Cela permet d'adresser un message symbolique important aux auteurs : en étant violents, ils se sont écartés du groupe, alors que leur intention était en fait d'y prendre une place centrale.
Dans une école, la dynamique de harcèlement repose sur une manière, pour les élèves, de tenter de "faire groupe" dans une logique autonome par rapport au monde des adultes. Il s'agit de mettre "leurs règles", leur manière de fonctionner dans une confrontation où la force et la faiblesse vont se dévoiler. A l'inverse de cette logique assez "mammifère", le but de l'école citoyenne est de faire alliance entre professionnels et élèves pour gérer la communauté ensemble. Cela se joue dans la construction des règles et dans les outils de bien commun, mais également dans la manière de gérer les problèmes de violence. C'est pour cette raison que la justice scolaire se présente aux élèves comme une manière de faire équipe pour trouver une solution aux problèmes : en discutant avec les cibles et les auteurs notamment.
A ce niveau, plus que dans d'autres situations, il est important de pointer que le déminage des phénomènes de harcèlement prend du temps. Plus que par rapport à d'autres conflits, il est par exemple important de voir les cibles et les auteurs séparément. Sans travail préalable, la présence du ou des auteurs a en effet souvent pour conséquence de refermer la cible et d'enfermer la parole. Pour gérer la situation, faire équipe avec les élèves revient donc souvent à commencer par les voir séparément.
Faire équipe avec les élèves peut également prendre la forme de l'implication de certains d'entre eux dans les équipes qui réagissent aux violences. Cette politiques, dite "du grand frère ou de la grande soeur", est un outil que nous développons également dans les écoles. Pour plus d'informations, clique ici.
•Faireéquipe « élèves » et « adultes »
•Sanctionneren renforçant les règles communes
•Générerdes espaces de parole à l’inverse du silence
•Travaillerla relation à l’institution et aux adultes qui l’incarnent
•Développerles stratégies de résolution de conflit