Lorsqu’on installe une école citoyenne, l’affiche devient rapidement un symbole de l’identité de l’établissement en même temps que le révélateur de l’état d’avancement du projet.
Comme en témoignent les réalisation successives proposées dans cette fiche, les affiches évoluent en même temps que l’appropriation du projet et que son impact sur l’identité collective. Elles témoignent également d’une réelle progression des élèves dans la tâche consistant à construire des règles pour le collectif.
Les images proposées ici viennent de l’école de Schaerbeek choisie comme illustration principale du livre Pour une école citoyenne.
Cette affiche est celle d’une « première année » d’école citoyenne. « Je m’exprime avec le bon langage, en évitant tout jugement, moquerie, menace ou rumeur », … Ces formulations sont terriblement professorales, et pourtant ce sont des élèves qui les ont écrites. C’était la première année de ce projet : les élèves qui se sont investis étaient ceux qui voulaient faire plaisir à leurs enseignants, ceux qui étaient en confiance avec l’institution.
Par ailleurs, l’équipe avait veillé à associer un dessin à chaque idée, afin de mieux faire passer le message.
Enfin, la réalisation graphique est celle d’un adulte seul qui avait les compétences nécessaires à sa réalisation.
Cette affiche est l’héritière de la précédente. La seconde année du projet, lors des miniforums et de la synthèse de la loi, les jeunes trouvèrent que la loi précédente était « du langage de prof », alors qu’ils voulaient que « ce soit leur affiche à eux ». Traduisant cette intention, cette seconde production offre dès lors des formulations sensiblement plus proche du langage de la rue : « Chez nous, insulte, moqueries, double-faces STOP, on assume on se parle bien », … Dans la foulée, les dessins font place à des tags, dans une mise en page nettement plus minimaliste qui témoigne de la participation de certain élèves du conseil à la confection de l’affiche.
La troisième année de ce projet citoyen propose une affiche aussi révélatrice que les précédentes. Face au langage plus « cru » de la seconde, les jeunes ont cette fois-ci réagi en disant qu’ « ils ne voulaient pas de ce langage de la rue », qu’il « voulaient une affiche qui leur ressemble, mais qui les tire aussi vers le haut ». Les formulations se firent par conséquent plus chantantes : « chacun joue son rôle et la vie sera plus drôle »… comme dans une sorte de synthèse des deux premières versions.
Autre particularité de cette troisième production : le graphisme en déçut plus d’un, les couleurs étant moins vives à l’impression que dans le projet original. Cette déception largement partagée portait cependant un message également positif : l’affiche était devenue pour les jeunes à ce point importante que son esthétique devait désormais être à la hauteur de l’identité qu’elle représentait.
En ce qui concerne la technique de construction, cette réalisation fuit le fruit d’un travail d’équipe d’un enseignant et d’une dizaine d’élèves.
La quatrième année de ce projet est une année de maturité. Elle se caractérise tout d’abord par une confirmation de l’optique chantante décidée pour la troisième. Les formulations ont cependant évolué, les listes d’interdits négatifs laissant la place à des formulations résolument plus constructives : « Se contrôler est une force, discute pour ne pas céder à la violence », … En outre, les élèves de cette version proposèrent de rajouter aux lois habituelles le mot « assume », cette idée étant revenue très régulièrement dans les miniforums.
Mais la particularité la plus visible de cette affiche est clairement le choix d’y mettre une photo de l’école sous forme de « peace ». Pour éviter l’échec esthétique de l’année précédente, les miniforums ne se contentèrent en effet plus de proposer des règles, mais fournirent également de nombreuses idées graphiques, dont celle de la photo finalement avalisée par le conseil citoyen. En plus de son impact visuel, la photo symbolise ici dès lors l’engagement de tous à vivre dans le respect, tout cela sans compter qu’il marque encore plus que les précédentes la charge identitaire de l’affiche.
Enfin, cette photo symbolise aussi très fortement le degré d’appropriation du projet à ce stade de l’histoire de cette école. L’affiche était devenu à ce point importante que 550 adolescents furent prêts, avant même la fin septembre, à crier « peace » en souriant pour un photo prise au milieu de leur cour de récréation.
Pour la réalisation graphique, la technique fut la même que l’année précédente, avec cette fois un prof et une quinzaine d’élèves. Comme la taille du groupe rendit la collaboration compliquée, le conseil intervint même pour trancher des éléments tels que la couleur.
La cinquième affiche de cette école propose une tentative un peu différente. Le frère « graphiste » d’un enseignant de l’école avait en effet proposé ses services pour faire quelque chose de plus professionnel que les années précédentes. Sur base de propositions des miniforums, il opta pour des dessins représentant la diversité de l’école, avec malgré tout encore la présence d’une photo collective.
Au niveau des textes, on retrouve une dissertation des choix opérés en quatrième année : des formulations chantantes et constructives.
Cette affiche ne fut pas une franche réussite identitaire. Même si le design était plus léché, les jeunes si reconnaissaient moins.
La sixième édition revisite plusieurs éléments de son héritage. D’une part il s’agit de nouveau de jouer avec la forme de l’affiche, en optant cette fois pour un carré. D’autre part l’affiche voit un retour du peace de la quatrième version, tout comme des mains portant le monde de la première. En plus l’affiche revient plus franchement sur l’idée de proposer une photo de l’ensemble des élèves. A la différence des précédentes, les photos sont ici des « photos de classe », compilées ensemble pour constituer le fond graphique. Pour le texte, il y a nouveau la confirmation des formulations chantantes et constructives des numéros 4 et 5.
En fait, la véritable innovation de cette édition est la méthode de construction de l’affiche. Durant les miniforums, les élèves ont été invités à se proposer pour participer aux ateliers de construction de l’affiche. Durant trois mercredi après-midi, une vingtaine de volontaires ont été encadrés par un artiste afin de réaliser une affiche à la fois avec la technique du pochoir et en suivant au maximum les demandes des élèves. le résultat est une production dont le texte autant que le graphisme ont été réalisés en co-construction avec les jeunes.
La septième affiche poursuit enfin les thèmes chers à ses prédécesseures : le lien entre le projet citoyen et l’identité de l’école, l’utilisation de formulations chantantes et constructives, la représentation graphique de toute l’école, l’expression de l’unité dans la diversité. Utilisant à nouveau la méthode de coconstruction et la technique du pochoir, le travail à cette fois aboutit à un résultat purement graphique : les initiales de l’école, pochoirisées, dessinées par les élèves pour représenter le respect et la diversité. En regardant cette affiche, on peut se demander si, après six années de projet, c’est le nom même de l’établissement qui suffit à désigner le respect et la citoyenneté.
Écoles Citoyennes